vendredi 13 mars 2015

Pourquoi Google place Android au coeur de sa stratégie ?

Android sur votre smartphone et tablette. Android sur votre poignet, dans votre voiture, sur votre télévision, dans votre maison... Android partout et tout le temps. Voilà la nouvelle stratégie de Google. Plus que jamais, le géant du web compte sur son système d'exploitation (OS) mobile pour étendre son emprise.

Pour s'en convaincre, il suffit d'analyser la keynote d'ouverture de Google I/O, la grande conférence annuelle des développeurs qui s'est tenue la semaine dernière à San Francisco. Plus de 2h30 quasiment consacrées intégralement à Android. Pas un mot sur son moteur de recherche, sur son navigateur Chrome, sur ses cartes Maps, sur son réseau social Google Plus...

CAPITALISER SUR LA MARQUE

A la place, Google a dévoilé Android Wear, une version adaptée pour les “wearables”, ces gadgets high-tech que l’on porte sur soi. Les deux premières montres équipées sortiront en juillet. La société a aussi présenté Android Auto, en association avec une quarantaine de constructeurs automobiles. Dernière annonce: Android TV, une interface permettant d’accéder à des contenus en ligne depuis sa télévision.
Trois nouveautés, trois déclinaisons de l'OS mobile de Google, La société de Mountain View souhaite clairement capitaliser sur sa marque. Et pour cause: lancé en 2008, Android rencontre un succès fulgurant. Gratuit et ouvert, il équipe aujourd’hui 80% des smartphones vendus dans le monde et 60% des tablettes. Ce sont ainsi plus d'un milliard de personnes qui utilisent un terminal sous Android.
En utilisant cette marque, Google espère ainsi convaincre le grand public de l'intérêt de ces nouveaux objets connectés. Cela est d'autant plus important que la concurrence avec Apple devrait y être aussi féroce qu'elle ne l'est aujourd'hui sur le marché des mobiles. Autre intérêt: rassurer les développeurs, dont le soutien est indispensable pour proposer toujours plus d'applications aux utilisateurs.

DOMINER l'INTERNET DES OBJETS

Avec Android, le moteur de recherche veut mettre toutes les chances de son côté pour dominer la prochaine vague des objets connectés, mais aussi les suivantes. Le potentiel de cet "Internet des objets" fait saliver les géants de la Silicon Valley. Plusieurs cabinets d'études, comme Gartner ou IDC, y voient un marché de plusieurs milliards de dollars par an. Chacun veut sa part du gâteau.
Pour Google, ces objets connectés signifient encore plus de données sur ses utilisateurs. Et donc des publicités mieux ciblées et surtout beaucoup plus pertinentes. Plus de lait dans votre réfrigérateur ? Un supermarché situé sur votre trajet quotidien vous envoie une promotion. Dans un récent document adressé aux autorités boursières américaines, la société indique par ailleurs qu'elle pourrait diffuser de la publicité sur "les réfrigérateurs, les tableaux de bord, les thermostats, les lunettes et les montres".
En début d'année, Google n'a ainsi pas hésité à dépenser plus de 3 milliards de dollars pour acheter Nest, start-up connue pour ses thermostats et ses détecteurs de fumée intelligents. Restées indépendantes, ses équipes travaillent déjà sur la deuxième étape de la maison connectée. Leurs prochains produits devraient aussi embarquer une version adaptée d'Android. Ils serviront alors de fer-de-lance à Google afin de convaincre les autres fabricants à opter pour le même OS.

"EMPRISONNER" LES UTILISATEURS

En démultipliant Android, Google souhaite aussi développer un écosystème complet et multi-plateformes. C'est particulièrement important pour obtenir le soutien des développeurs, en leur permettant de créer facilement des applications compatibles sur l'ensemble des terminaux. Pour les utilisateurs, cela est aussi synonyme de facilité, notamment parce que tous ces objets seront reliés avec leur smartphone.
Tous les appareils sous Android interagiront ensemble, avec les mêmes applications et les mêmes interfaces. Et ils seront d'autant plus fonctionnels qu'ils seront connectés les uns aux autres. Cette stratégie est également employée par Apple et, dans un moindre degré, par Microsoft. La contre-partie: les utilisateurs risquent fort d'être "emprisonnés" dans cet écosystème.
“Si vous possédez un smartphone Android, il sera alors logique d’acheter une montre, une télé ou une voiture aussi équipée d’Android”, explique Brian Blau, analyste au sein de Gartner. Parfois, vous n'aurez même pas le choix. A l'heure actuelle, Android Wear et Android Auto ne sont pas compatibles avec les systèmes concurrents iOS et Windows Phone.

REGAGNER LE CONTRÔLE D'ANDROID

Problème pour Google: Android est un système ouvert qui peut être modifié par les fabricants de smartphones. Ces derniers ne s'en privent pas, à l'image de Samsung qui ajoute une surcouche logicielle baptisée TouchWiz. C'est pour cela que les appareils Android des différents marques n'offrent pas la même expérience. Pour Google, cette situation est devenue dérangeante. Surtout dans l'optique d'imposer un écosystème unifié.
Le groupe de Mountain View veut donc regagner le contrôle de son OS. Première étape: le programme Android One, dévoilé la semaine dernière lors de Google I/O. Celui est destiné aux marchés émergents. Il permet aux constructeurs de bénéficier de solutions clé en main, aussi bien sur le plan matériel que logiciel, pour fabriquer des appareils Android. Cela signifie des versions non modifiées du système, directement mises à jour par Google.
La prochaine étape sera beaucoup plus stratégique: faire la même chose avec les principaux fabricants, plus particulièrement avec le sud-coréen Samsung, numéro un mondial du marché. C'est le programme Android Silver, dont la presse américaine se fait régulièrement l'écho. Google serait prêt à rémunérer ses partenaires pour qu'ils ne touchent pas Android - comme cela leur sera imposé pour les nouvelles déclinaisons de l'OS. Un petit prix à payer.