lundi 15 mai 2017

En quelle année vos enfants auront-ils votre âge d’aujourd’hui ?

Quand je pose cette question autour de moi, je constate que personne ne connait jamais la réponse, qui est pourtant simple : Pour chacun de nous, c’est la date d’aujourd’hui plus la différence entre notre âge et celui de nos enfants. Une fois le calcul fait, quatre attitudes apparaissent : il y a ceux, nombreux, pour qui la question n’a pas beaucoup d’intérêt ; ceux, nombreux aussi, qui se demandent s’ils seront encore en vie à cette date. Ceux, plus rares, qui pensent à ce que seront devenus leurs enfants. Et ceux, infiniment plus rares encore, qui se demandent dans quel monde ceux-ci vivront alors.

Dans le lointain passé et dans la plupart des civilisations, les humains ne pensaient, pour l’essentiel, qu’à leur survie immédiate. Et la question de l’avenir ne se posait que pour ceux qui avaient les moyens de se préoccuper de la pérennité d’une famille, ou d’une lignée ; ceux-là pensaient d’abord à assurer la pérennité de leur nom, en écartant les filles et les cadets, pour fournir à l’ainé les moyens de préserver l’intégrité d’un domaine. A partir du 13ème siècle en Flandres, puis en Italie, puis en Grande Bretagne, en France et ailleurs, cette obsession de la pérennité du nom a atteint la nouvelle classe dirigeante, la bourgeoisie.

Aujourd’hui, presque toutes les familles du monde font tout pour assurer le meilleur destin possible à leurs enfants, à tous leurs enfants ; et ils enragent quand ils constatent qu’ils ont moins de chance que d’autres d’y parvenir.

Une infime minorité, parmi les plus riches pour la plupart, ne se préoccupent pas de leurs enfants, même s’ils prétendent s’en occuper. Ainsi, préfèrent-ils passer l’essentiel de leur temps à autre chose qu’à leur éducation, en pensant qu’un peu, ou beaucoup d’argent de poche, ou d’héritage, suffira à prendre soin de leur destin. En réalité, ce n’est pas le cas, et une étude américaine récente montrait que 70% des plus riches Américains voient leur fortune baisser sensiblement à la deuxième génération et disparaitre à la troisième, parce que les enfants n’ont pas été préparés à se prendre en main, à « devenir-soi ».

Encore moins de gens se pose une autre question, plus importante encore : Que sera devenue la planète en cette année-là ? Et moins encore en tire une conclusion essentielle : suis-je responsable du monde dans lequel vivront mes enfants quand ils auront l’âge que j’ai aujourd’hui ?
Cette question devrait pourtant constituer l’obsession de tous. Et d’abord des dirigeants politiques, métaphoriquement parents de tous les enfants de leurs concitoyens ; ils ne devraient ne penser qu’à une seule chose : en quoi leurs actes amélioreront ils le monde dans lequel vivront les générations suivantes ?

Et comme la politique n’est qu’une dimension de plus en plus dérisoire du destin des peuples, et plus encore de l’humanité, c’est à chacun de nous de prendre cette question très au sérieux et d’en faire le principal guide de nos actions.

On relativiserait alors bien des combats. On mettrait en avant bien d’autres priorités que celles qui ont, encore récemment, occupé les tréteaux et les médias. On ferait tout pour ne pas être maudit par ceux qui auront à souffrir de notre impéritie, de notre égoïsme, de notre superbe.

 On se rendrait compte que la seule question qui vaille est de trouver comment faire ce qu’il faut pour accomplir le meilleur de notre vie tout en permettant aux générations suivantes de vivre mieux encore.

lundi 2 janvier 2017

Comment faire un chatbot utile ?

Certes, partir tête baissée et fabriquer son propre Chatbot est amusant. Mais il faut aussi se demander si et comment le Chatbot va améliorer la relation avec vos clients. Un mauvais Chatbot peut rapidement devenir contre-productif. 

Une erreur classique : vouloir faire un Chatbot trop ambitieux. Pour être efficace, restez simple.

Comment répond le Chatbot ?

Un Chatbot peut être simplement informatif (News, Météo), il peut aussi aller plus loin en interagissant avec d’autres services en ligne (commande de repas, achat de billets pour voyager) ou bases de données (suivi de commande en SAV).

Il faut donc lui montrer les chemins à parcourir pour aller chercher les réponses aux questions que les gens vont lui poser. Il faut penser à le brancher à vos interfaces back-end existants comme Zoho, Salesforce, PrestaShop, SAP, etc.

Le Chatbot parle au nom de l’entreprise. Il porte en lui les valeurs et les procédures de l’entreprise

Ouvrir un Chatbot c’est un peu comme recruter un collaborateur. 

Ce qu’il ne doit surtout pas faire : frustrer son interlocuteur voire le bloquer à cause d’une procédure mal construite. Principe de précaution : mettez-vous dans la peau d’un utilisateur qui ne comprend rien au robot et voyez comment il réagit. Est-il agréable ?

Pour autant, pas la peine de vous engager dans de longs mois de travaux avant d’avoir un Chatbot exploitable : comme nous l’avons dit plus haut, il faut commencer par un Chatbot simple et efficace.

Un nouveau métier est d’ailleurs en train de naître avec émergence des Chatbots, celui du responsable de Marketing Conversationnel. Il consiste à décider d’un lexique, d’une manière de répondre et d’une certaine sémantique qu’utilisera votre Chatbot. Tout cela pour que ce dernier soit aligné avec les éléments de langage de votre société.

Un Chatbot vous représente autant qu’un opérateur qui aurait un client au téléphone.

De plus, il faut que le Chatbot s’adapte au contexte dans lequel la personne le contacte. Ainsi, un Chatbot qui doit résoudre les problèmes de clients frustrés voire mécontents devra parler avec sérieux. Un Chatbot qui donne la météo ne répond pas pareil qu’un Chatbot de déclaration de sinistre.

Mais où est l’Intelligence Artificielle ?


Pour rentrer dans le détail, un Chatbot est conçu en son cœur de 3 modules I.A.:
  • Module d’analyse du langage naturel : comprendre les questions, aussi largement que possible malgré l’orthographe (« ou ait ma commandes ? Je n’ai rien ressu..»).
  • Moteur de composition des réponses (à une même question, plusieurs réponses sont possibles).
Il existe de nombreuses solutions plus ou moins techniques permettant de construire son chatbot.
Certaines sont accessibles à n’importe quel curieux motivé et permet de concevoir la logique et l’apprentissage du robot depuis une plateforme en ligne (Chatfuel, API.ai, Wit.ai).

D’autres sont réservées aux développeurs, tel que Pandora Bots.

Enfin des entreprises peuvent construire un Chatbot pour vous, comme SmartAction aux USA ou NanoRep en Israël. En France, il existe de + en + des sociétés de conseils et des consultants en IA...
...

Et surtout, surtout, rappelez vous que le Chatbot n’est pas là pour embêter vos clients. Le potentiel de nuisance des Chatbots automatiques est énorme, si nous l’utilisons à mauvais escient le consommateur aura vite fait de les éviter.


jeudi 25 août 2016

Au-delà du mobile

Oui, le numérique continue de muter, d’accélérer, de tout changer. Nous vivons bien une transformation systémique, bien plus importante que celle de Gutenberg qui n’était, après tout, qu’une mobilisation de l’alphabet.

Attention donc : nouvelles plateformes, nouveaux écosystèmes en vue.

En fait… déjà là.

Car « mobile first » est derrière nous ! Le tsunami des smart phones est en train de s’achever. Et chacun entrevoit la prochaine étape : celle de l’essor de l’intelligence artificielle, puis des réalités virtuelles ou mixtes.

Plus proche de l’humain 

Même si le portable restera le point d’entrée du monde numérique pour un bon moment, le cœur informatique de demain ne sera plus formé des systèmes d’exploitation Windows, Mac, IOS ou Android, mais très probablement de plateformes conversationnelles audio et texte, et après-demain, visuelles.

Bourrées d’intelligence artificielle (IA), elles tenteront, cette fois, de coller le plus possible aux fonctions naturelles humaines millénaires, à faire appel à nos sens, à mimer le comportement de notre cerveau, in fine pour les compléter et les augmenter.

Voix, geste dans l’espace, mouvement corporel, regard (comme un pointeur laser) : avec les nouvelles interfaces vocales et gestuelles en 3D, l’informatique, le numérique et Internet sont en train de se rapprocher de nos organes, de la biologie, des neurosciences, du viscéral. Après le toucher, la voix et le regard gagnent en importance.

Plus intuitive et surtout beaucoup plus personnelle, cette informatique se rapproche aussi de la psychologie, des sciences cognitives, des sentiments, du discernement, du raisonnement, des décisions, de notre perception, et donc de notre rapport au monde.

Les géants de la high-tech améliorent chaque jour ces formes d’intelligence artificielle, qui, petit à petit, apprend et comprend les nuances de nos comportements. Avec le but de les prédire. Nombreux sont ceux qui prévoient l’effacement du terminal, la disparition des écrans physiques, au profit d’une présence informatique invisible tout au long de la journée, alimentée par l’IA. Une sorte d’infosphère qui transcende, dépasse le temps, l’espace, les pays, les cultures. Une ambiance numérique 24/7, un sac amniotique virtuel permanent, dans lequel nous serons baignés.

Tous utilisent les ingrédients-clé de l’époque : beaucoup de data, de capteurs, de pixels, d’algorithmes, d’intelligence artificielle, mais aussi de programmation neurolinguistique et de cloud. Tous constituent de nouveaux moyens d’interactions homme-machines. Tous ont le pouvoir de modifier notre rapport au monde et aux autres, notre perception de la réalité. Et sans doute notre conscience.

Rappelons-nous aussi combien la révolution industrielle avait donné raison à nombre de prédictions de Leonard de Vinci ou de Jules Verne. Aujourd’hui, la révolution numérique est en train de confirmer les intuitions de nos meilleurs auteurs, scénaristes et réalisateurs de science-fiction.

Nous parlons désormais à nos machines qui nous répondent, l’intelligence artificielle s’utilise à la demande, et des mondes virtuels sont désormais réalistes, en raison de la puissance accrue des ordinateurs, des cartes graphiques, des systèmes optiques, des smartphones et demain de lunettes, nouvelle unité centrale portative.

Bienvenue dans le nouveau monde des chatbots et des réalités virtuelles ou mixtes !

 

INTELLIGENCE ARTIFICIELLE, ASSISTANTS VIRTUELS, MESSAGERIES, INTERFACES VOCALES, ROBOTS CONVERSATIONNELS

Elle va transformer nos organisations et notre vie quotidienne, changer la manière dont nous interagissons avec nos terminaux ou le cloud, et favoriser une vraie coproduction homme/machine, en laissant à cette dernières les tâches ingrates.

Se parant de l’apparence sémantique humaine, elle interprète le langage naturel et tire des leçons des usages antérieurs. Reconnaissance vocale et faciale sont prêtes. Après avoir maîtrisé le jeu de Go et conduit des voitures, celle de Google se gave en ce moment de romans et commence à faire toute seule des phrases !

Méta-plateformes et invasion de bots

Aujourd’hui, cette intelligence artificielle passe aussi par les bots, ou chatbots, robots invisibles qui s’intègrent dans des messageries ou les SMS pour proposer des services personnalisés, via de véritables conversations.

Avant que les réalités virtuelle et augmentée ne deviennent vraiment nos nouvelles plateformes, voire l’OS du futur, chacun sent bien que les messageries instantanées et leurs bots automatisés, sont en train de devenir le point d’entrée principal vers Internet, au point que désormais se pose la pertinence d’un site ou même d’une appli.


A (court) terme, les messageries, devenues méta-plateformes et nouveaux navigateurs risquent même d’en devenir l’unique point d’entrée. Elles ont déjà supplanté les réseaux sociaux dans nos usages, et servent de base à ces nouveaux services conversationnels, qui, via analyse grammaticale, sémantique et reconnaissance vocale, reconnaissent ce que vous dites et à … quoi vous pensez.


Originaires de Russie et de Chine dans cette forme, et presque entièrement automatisés, les bots sont en train de défier et concurrencer les applications classiques, qui ne constituent plus l’eldorado des développeurs. Une certaine lassitude s’installe même dans les usages, car on n’utilise en moyenne que trois applis. Cinq au maximum. La majorité des gens n’en téléchargent même plus.

Moins compliqués à créer et à utiliser que les applis natives, les bots sont des logiciels qui automatisent des tâches du quotidien via des discussions plus dynamiques que les applis traditionnelles statiques qui n’ont plus besoin d’être installées. Le bot fait ce que vous lui demandez. Il pourrait bien remplacer à terme le moteurs de recherche et donc donner un sacré coup de vieux aux applis car il permet de combiner les avantages du web (accès immédiat sans avoir à installer quoi que ce soit, gestion des liens) et de l’application native (identification de l’utilisateur, accès à son contexte), sans leurs inconvénients (nécessité de s’acclimater à chaque site ou appli).

Les bots fonctionnent soit à partir de règles préétablies, soit via l’apprentissage des machines (machine learning) qui comprennent aussi le langage, s’améliorent au fur et à mesure de leur utilisation et sont très naturels à utiliser. Et hormis l’appli de messagerie, les bots ne nécessitent aucune installation en local dans l’appareil.

Dopés à l’IA et aux data, reliés au cloud, nos portables, ordis et autres terminaux sont en train de devenir des assistants intelligents et personnels capables de tenir des discussions pour assurer de plus en plus de tâches : nous informer, réserver un avion, une chambre d’hôtel, commander un repas, un taxi, payer une facture, jouer, conseiller un placement, organiser l’agenda. Sans même taper un texte, chercher, cliquer, ouvrir une appli, passer à une autre, retrouver son mot de passe, etc…

Ces valets virtuels anticipent vos besoins, répondent à vos questions, vous en posent, reconnaissent les phrases et sont plus faciles et rapides à utiliser que les options et menus déroulants. Avec des possibilités d’applications quasi infinies, les bots, contenant textes, images, liens, appels à l’action, automatisent la relation-client, l’organisation, la communication et favorisent l’engagement. Ils peuvent accroître notre productivité et … nous tenir compagnie. Mais nous n’en sommes qu’au début, au temps des navigateurs web des années 90 qui ne géraient que du texte. Ils vont inventer aussi de nouveaux usages.


Déjà en Chine, personne ou presque ne passe plus d’une demi-heure sans utiliser WeChat, du géant Tencent. Dans peu de temps, il est possible que nos interactions textuelles ou vocales sur Smartphones se fassent plus avec des machines qu’avec des humains, ou alors avec des humains… entraîneurs d’algorithmes.

Utilisées par 2,5 milliards de personnes, les messageries de type SMS, WhatsApp, Messenger, SnapChat, WeChat, Slack, Kik (6.000 bots), Telegram permettent aujourd’hui déjà l’illusion d’une discussion en proposant une série de contenus, plus pertinents et contextualisés que les applis classiques. YouTube s’y met. En Asie, elles englobent déjà beaucoup plus de fonctions et de services qu’aux Etats-Unis ou en Europe.

Éditeurs de bots

Nous voilà loin des portails et de leur profusion de liens, images et publicités ou même des sites servant de décharges aux contenus d’un média !

Mieux : ces méta-plateformes, qui se moquent des murs fermés des applis, court-circuitent Google, Apple et consorts, vous laissent éditer vos propres chatbots, créer vos propres algorithmes, dans un monde sans couture et sans interruption. Et surtout, ces chatbots sont immédiatement personnalisés, alors que les médias traditionnels, les sites web et les applis sont destinés à tout le monde, ou nécessitent de passer par une phase de connexion, création de profils…

De nombreuses marques sont en train de chercher comment créer, pour leurs clients, des interfaces conversationnelles avec de la personnalité.

Elles favorisent également l’apparition d’un nouvel écosystème de logiciels. Nul besoin d’être un expert en intelligence artificielle pour créer un bot utile.

Les développeurs et designers d’interface (ou de conversations) se servent dans les APIs ouvertes disponibles, dans les magasins et les kits, avant d’installer leurs services sur Messenger ou WeChat et tenter de toucher des centaines de millions d’utilisateurs. Au médias, d’être prêts à les accueillir.

Aujourd’hui, Facebook et Microsoft, qui ont perdu la bataille des smartphones face à Google et Apple, sont les plus actifs et ont grand ouvert leur méta-plateformes en proposant des briques aux entreprises et médias pour qu’ils y créent leurs propres assistants intelligents.

Les seules messageries de Facebook (Messenger et WhatsApp), qui entend bien être la « home » de votre smartphone, enregistrent déjà le triple du trafic de tous les SMS.

Les médias arrivent

Les médias d’informations commencent à les utiliser pour personnaliser davantage leurs contenus : comme Quartz, TechCrunch, CNN qui s’est installée sur Messenger, le Wall Street Journal, à partir des interfaces de programmation de Microsoft, Facebook, Kik ou Telegram. Les infos de Breaking News (NBC) sont aussi disponibles en mode chatbot sur Slack. Certaines conversations pourraient même être rendues publiques et devenir des médias à part entière.

Ces micro-applications vont s’améliorer au fur et à mesure de leur utilisation et de leur compréhension du langage humain. Elles risquent bien de remplacer des pans entiers d’usages des réseaux sociaux, des plateformes et des applis que nous utilisons aujourd’hui. Et qui deviennent trop nombreux en produisant trop de frictions entre eux pour bien gérer l’ensemble de nos données.

Les QR codes reviennent aussi à la mode : outils de dialogue intelligents, ils permettent d'envoyer des réponses automatiques et autres messages contextualisés.

mardi 26 avril 2016

Des robots conversationnels aspirent la personnalité humaine



Comment se porte Richard Hendricks, le personnage de la série Silicon Valley, depuis le coup dur subi à la fin de la saison 2 ? Pour le savoir, il est possible de le lui demander directement. L’application Luka permet depuis quelques jours de discuter avec trois personnages de cette série humoristique, consacrée à l’univers des start-up californiennes.

A l’autre bout du fil, un programme d’intelligence artificielle imite leur personnalité et répond à toutes les questions posées par l’utilisateur. « Tout va bien, ça va, mais… Tu vois, quoi ! », répond le timide Richard. Quand on demande au grandiloquent Russ Hanneman ce qu’il pense de Mark Zuckerberg, celui-ci n’y va pas de main morte : « Zuck est un mec tordu. Genre vraiment tordu. Complètement dingue. » Quant au troisième larron, Erlich Bachman, il inonde ses réponses d’allusions à ses deux principales obsessions : la drogue et les femmes asiatiques.

Aucun de ces robots conversationnels (chatbots) ne répond de la même manière aux questions posées, chacun disposant de sa propre personnalité. Pour parvenir à ce résultat, l’équipe de Luka a nourri son programme des répliques de chaque personnage de la série. Grâce à l’apprentissage en profondeur (deep learning), le programme a repéré les spécificités de chacun et peut composer ses propres réponses – même si certaines ont été préprogrammées par les développeurs.

John Lennon et Donald Trump


Comme pour tous les robots conversationnels, les réponses sont souvent à côté de la plaque, parfois effrayantes (« Tu aimes Hitler ? » « Bien sûr », répond Erlich, qui pense que la Shoah est « probablement » un mensonge), mais il est tout de même assez jouissif de les voir tomber juste. Ainsi, mis à part les – nombreuses – erreurs de compréhension, le robot Luka imite à merveille la personnalité des personnages qu’on prend plaisir à retrouver sous cette forme.

Ce n’est pas la première fois qu’on tente d’inculquer à une machine la personnalité d’un humain. Si des programmes comme Siri ou Cortana se veulent le plus neutre possible, d’autres, plus ou moins sophistiqués, sont au contraire conçus pour affirmer une personnalité très forte. Depuis les années 1990, un robot conversationnel imite John Lennon ; un autre, créé en décembre dernier, se prend pour Donald Trump. Tous deux se fondent sur les citations de leur modèle.

« Qu’est-ce qui fait que vous êtes vous ? », demande Eugenia Kuyda, cofondatrice de Luka, dans un texte publié dimanche 24 avril. « Qu’est-ce qui fait que vos amis savent immédiatement que c’est bien vous qui leur envoyez un texto, et pas quelqu’un d’autre ? Ce n’est pas seulement les choses que vous dites – c’est le choix des mots, la longueur des phrases, le fait que vous envoyez une série de petits textos ou un unique long message. »

Elle précise toutefois que ces trois personnages ont été « plus difficiles à reproduire que d’autres célébrités ». Et ce en raison d’une base de données assez faible : deux saisons seulement, soit 18 épisodes de moins de trente minutes. « Pensez à ceux qui tweetent, parlent et écrivent chaque jour – leurs intelligences artificielles seront beaucoup plus puissantes », assure Eugenia Kuyda.

Un robot après la mort


Internet représente en effet une base de données d’une ampleur inédite pour les développeurs de ce type de programmes, à leurs risques et périls. Microsoft s’est ainsi mis en difficulté en lançant, le mois dernier sur Twitter, un robot conversationnel imitant une adolescente capable d’apprendre de ses échanges avec les internautes. Pour le meilleur… et pour le pire, puisque le programme, nommé Tay, a publié des messages racistes et négationnistes, et a affirmé à ses dizaines de milliers d’abonnés fumer « du cannabis devant la police ». S’inspirer des personnalités multiples des internautes n’a donc rien donné de bon : le robot a depuis été mis au repos par Microsoft.

Ce qui n’a pas empêché l’entreprise de lancer quelques jours plus tard en grande pompe un outil permettant de faciliter la création de robots conversationnels, suivie de près par Facebook, qui a annoncé un service du même type. Malgré leurs multiples imperfections, ces robots ont donc le vent en poupe, et s’ils se limitent généralement à des services très concrets et restreints – donner la météo ou commander une pizza –, certains développeurs rêvent d’en faire des répliques exactes de nos personnalités… jusqu’à nous rendre immortels. C’est en tout cas le fantasme de la start-up américaine Eternime. « Et si vous pouviez vivre éternellement en tant qu’avatar numérique ? », peut-on lire sur son site. « Et les personnes du futur pourront interagir avec vos souvenirs, vos histoires et vos idées, presque comme si elles étaient en train de vous parler. » Objectif : créer une intelligence artificielle à votre image, conçue à partir de vos données et de vos textes, pour vous permettre de converser après votre mort avec vos descendants. Le spiritisme a du souci à se faire.



samedi 2 avril 2016

A quoi servez-vous ?

Quand je compare le déluge de banalités et de futilités dont s’abreuvent les sociétés dites modernes avec le déluge de feu qui pleut sur les autres, il m’arrive de penser que le monde est plus fou qu’il ne l’a jamais été, qu’il manque totalement de sens, que la vie en manque tout autant et qu’une seule question mérite d’être posée, par chacun de nous, pour guider chacune de nos vies et tenter de remettre le monde sur le chemin de sa survie et des Lumières.
Une question révolutionnaire et simple. Une question révolutionnaire parce que simple : à quoi servons-nous ? A quoi servez-vous ?

Si chacun voulait bien se poser cette question, autrement que de façon sommaire, si chacun voulait vraiment y chercher une réponse sincère et exigeante, on serait d’abord emporté dans un abîme de perplexité : pourquoi faudrait-il être utile ? A qui ? A quoi ? Qu’est-ce qu’être utile ? Comment être utile ? Faire le mal au nom d’une cause, est-ce être utile?

D’abord, faut-il être utile ? Bien des gens répondent, instinctivement, par la négative à cette question, et pensent que la vie se résume à survivre, comme un animal, et à jouir de chaque instant, dans la limite de ses moyens. Autrement dit, la seule utilité qu’on devrait chercher serait de gagner sa vie et celle des êtres qui dépendent de nous, pour prendre le maximum de bon temps. Mais si tous les humains se contentaient d’une telle réponse, si chacun se limitait à chercher son propre bonheur, on sait maintenant d’expérience, malgré tous ceux qui ont prétendu le contraire, que le monde serait condamné à la brutalité la plus sauvage et à la destruction de la nature. On le sait parce que on assiste tous les jours à cela. Aucune civilisation ne peut survivre par la simple juxtaposition de millions d’égoïsmes. Il lui faut beaucoup plus, il lui faut que chacun soit utile à quelque chose.
Alors, puisqu’il faut être utile, à qui ou à quoi faut-il l’être ? A soi-même ? Cela ne peut convenir, car si une telle réponse était justifiée, renoncer à exister suffirait pour qu’il soit soudain inutile d’être utile! A ses enfants ? Cela non plus ne peut être satisfaisant, car ne pas en avoir enlèverait alors toute raison d’être utile. A tous ceux qu’on aime ? Ce serait tout aussi insuffisant, puisque ne pas aimer permettrait de dispenser de toute utilité. Autrement dit, et c’est révolutionnaire : une raison d’être utile ne peut être créée que par celui qui la cherche. Elle doit exister indépendamment de lui. Alors, posez-vous cette question : à quoi servez-vous ? Osez être exigeant avec vous-même en trouvant une réponse.

Evidemment, je me pose à moi-même, sans cesse, cette question. Et, après avoir écarté les solutions les plus évidentes (« je sers à survivre » ou « je sers à être heureux », ou « je sers à rendre mes proches heureux »), pour les raisons dites plus haut, j’aborde les suivantes : je dois servir à ce que d’autres, qui me sont inconnus et ne dépendent pas de moi, soient heureux, en particulier à ce que ceux qui existeront après moi soient heureux. Autrement dit, à ce que le monde soit un peu meilleur après moi, grâce à moi.

Mais une telle réponse, purement altruiste, est très difficile à exiger de tous les humains, dans la vie quotidienne : si le monde ne peut être une juxtaposition d’égoïsmes, il ne peut non plus être composé de milliards d’altruistes. Pour qu’il soit réaliste d’escompter que chacun serve à quelque chose, il faut encore que chacun s’épanouisse en ce dévouement, par exemple en rendant les autres, inconnus, heureux, ou encore en préservant la nature. Il faut que son propre bonheur soit la conséquence de son utilité au monde et non sa propre raison d’être.

Ce n’est ni simple, ni naturel. La survie de l’humanité ne l’est pas plus. Telle est la grandeur de la condition humaine. Telle est aussi, sans doute, l’explication profonde de notre difficulté à créer les conditions de notre propre pérennité. Tel est enfin le combat majeur de notre civilisation, si elle ne veut pas disparaître, dans le feu et les larmes, mais au contraire progresser, en donnant du sens à chacun de nos propres gestes, à chaque sourire de l’autre.